Dour Festival 2008 (Jours 3 & 4)

Publié le par Puissance 4

De retour sur la plaine de la machine à feu en ce troisième jour de festival, et la journée commence en douceur avec Syd Matters et sa pop hypnotique, tellement qu'à l'heure de la digestion, la sieste n'était pas loin... pas mauvais, le groupe a été cependant plutôt soporifique hélas.

Devant la pauvreté du programme en ce début d'après midi, on se décide à découvrir Coming Soon, une sorte de groupe de jeunes (oui le batteur a quand même 15 ans...) soi disant influencés par la musique folk et la noirceur de Johnny Cash... intriguant... une fois sur place, la surprise est relativement mauvaise : un grand dadet avec un chapeau de cow-boy est entouré de gamins qui n'ont pour certains même pas fini de muer et présentent une musique pop et certes folk... cependant une chose est sûr, s'il fallait trouver du Johnny Cash dans Coming Soon, ce serait un Johnny Cash sous gaz hilarant, tant les titres joués par les français sont d'une joie indécente... Quand on pense que le journal local du festival osera les comparer le lendemain à 16 Horsepower... y a des claques qui se perdent !

On assiste à quelques minutes de Death by stereo, un groupe hardcore sans génie, et s'en suit F.L.A.M.E aka Flexa Lyndo entourés de choristes qui massacrent des tubes de My Bloody Valentine et Kraftwerk... le public est littéralement affligé, heureusement nous n'auront pas à supporter cela bien longtemps car le set est déjà presque fini.

Enfin les choses sérieuses commencent avec l'arrivée de Zu Vs Dälek sur scène. Comme le nom l'indique, ce projet regroupe le combo italien de jazzcore Zu et les américains rappeurs industriels de Dälek, venu cette fois en petit comité (Dälek, le MC et Octopus tout simplement). Le show commence, un peu comme un concert de Dälek où ce dernier distille quelques flows noyés par les basses d'Octopus, puis très rapidement le concert s'emballe sous les coups puissant de Jacopo Battaglia très vite rejoint par le saxo bariton de Lucai Mai, dans un style bruitiste très proche de ce qu'il fait au sein de Zu ou encore de ce qu'a fait John Zorn sur certains projets comme Naked City (évidemment on y pense). Le set évoluera comme une véritable bataille entre deux entités : le rap lourd de Dälek contre les élucubrations noisy d'un groupe italien sans concession. Derrière sa batterie Jacopo Battaglia commence même à entrer dans un trip et à balancer des roulements saccadés dont il a le secret. Mais c'est le bassiste de Zu, Massimo Pupillo, qui sera la "star" de cette fin de concert avec un son vraiment énorme, des parties compliquées mais placées au bon moment et surtout un jeu de basse hors du commun, notamment avec ses potards où il arrive à faire monter et descendre les notes.

Fin du concert, on en a pris plein la tête, rarement un projet aura autant mérité son appellation de "Vs". En tout cas les deux groupes, habitués des collaborations (Dälek avec les Young Gods, Zu avec Joe Lally par exemple) semblent vraiment à l'aise dans cette discipline.




Un passage à Mad Sin, autre groupe hardcore anecdotique, bref, et nous voici déjà devant IamX. Comme d'habitude les premiers rangs sont squattés par des groupies et des sosies de Chris Corner qu'on croirait débarqués d'un concert d'Indochine... Premier choc visuel, le changement de fringues du groupe... notamment le guitariste en espèce de short avec des bas résilles en dessous... volontairement emo tendances homo (quand on vous dit Indochine...) la claviériste avec des longs cils dorés immondes qui a toujours une gestuelle de robocop, et puis Chris Corner, lui aussi sans vraie classe vestimentaire... En plus de ça la setlist était assez moyenne, surtout pour un concert si court en festival. Chris Corner est allé chercher les morceaux de seconde zone qui ne m'ont pas vraiment transcendé... dommage, le concert du Riff n bips m'avait plutôt réconcilié avec eux, là c'était du gâchis... ceci dit je n'ai pas vu les dernières 20 minutes car j'ai préféré aller voir comment se portaient nos amis de Meat Puppets.

Portés aux cieux après le fameux Unplugged de Nirvana où les frères Kirkwood étaient venus interpréter quelques uns de leurs titres avec la bande de Cobain, le groupe a certes pris quelques rides, mais cela n'a visiblement pas touché leur plaisir de jouer. Enchainant les tubes qu'on connait tous : Plateau, Lake of Fire, Oh Me, Backwater... Les deux frangins s'engueulent gentiment tel un vieux couple entre les morceaux.Y a pas à dire, c'est une partie de notre adolescence qui ressurgit et on ne peut que les trouver touchants. Sans être franchement géniaux, les puppets auront su apporter une touche de fraicheur à ce milieu d'après midi ensoleillé (et le soleil fut rare ce week end...)



Il est maintenant l'heure de se préparer avant d'enchainer les deux gros concerts de la journée. On mange donc un morceau histoire, de se caler avant d'aller affronter la fosse aux lions de Punish Yourself, qu'on connait bien maintenant après les avoir vus peut-être 7 ou 8 fois. Hélas, on ne pourra éviter les bruyants Heaven Shall Burn, du hardcore sans génie une fois de plus, dont le son et les compos étaient aussi dégueulasses que leur logo est illisible... J'ai sincèrement songé à me boucher les oreilles à coups de boulettes de pita à un moment...

Et puis c'est déjà l'heure du Incredible Punish Yourself Pictures Show. Ils arrivent.



On savait déjà que le show serait spécial, et on se doutait que des morceaux du dernier album, Cult Movie, si particulier seraient joués. A vrai dire on était même excités de voir comment ça sonnerait, et force est de reconnaître que tout est passé comme dans du beurre, avec notamment un saxophone qui venait compléter parfaitement la panoplie sonore du groupe. Un set remanié avec des morceaux changés de place, certes toujours des irréductibles tubes comme Suck My TV, Primitive ou encore Mothra Lady mais aussi des morceaux pas joués depuis un petit moment comme Sexy ou Gimme C.O.C.A.I.N.E.

Fréquemment, quand j'aborde les prestations live de Punish à quelqu'un qui ne connait pas, ça l'intéresse, et la question revient inévitablement sur le tapis :

"Mais c'est quel genre de musique ?"

Et je ne peux me résoudre à me contenter d'un simple "industrielle" aussi large soit le terme, car Punish Yourself en live, ça se vit, et c'est une performance artistique avant toute chose. Et ce soir le groupe a de nouveau franchi un pas dans cette direction. Bien sûr il y avait les danseurs habituels se passant une meleuse sur le corps, les canons à neige et l'inévitable peinture sur le corps de chacun des musiciens qui leur donne une allure d'aliens. Mais il y avait aussi des dessinateurs qui réalisaient une BD géante en direct de chaque côté de la scène (voir photo plus bas), une danse avec des petites torches etc... Bref on en a pris plein la gueule et plein les oreilles. C'est ça Punish Yourself.

Et coup de chapeau à Vx, le chanteur qui s'était cassé quelques côtes au Hellfest il y a quelques semaines, et qui a assuré comme un chef pour ce concert (même si ses traditionnels stage diving devaient franchement le démanger)




A peine fini, on vibre encore au son de la bande fluo, mais il faut partir afin d'être bien placés pour la grande messe de Woven Hand. David Eugene Edward arrive, accompagné du reste du groupe et balance un "Bonsoir mes amis" dans un français impeccable avant de débuter la première chanson. Le son est énorme, les tubes s'enchainent (Whistling girl, Dirty Blue etc...) pas mal de titres du génial Mosaic donc, et d'autres plus vieux. Le groupe ne nous laisse pas un temps de répit et joue plus vite et plus fort qu'à l'accoutumée, ce qui donnera un set assez rock 'n roll. Le bassiste et bien sûr Eugene, trippent à mort sur chaque morceau, se dernier, tantôt guitare électrique, tantôt mandoline sur les genoux, lèvera fréquemment les bras au ciel ou se tordra dans une énième incantation. On retient sa respiration, admirant ce formidable don qu'a ce type pour nous transporter avec des morceaux folk et rock si particuliers, et surtout une voix hors du commun. A peine le temps de comprendre ce qu'il nous arrive et c'est déjà fini, trop court, définitivement trop court, et je pense que tout le monde aurait signé ce soir, pour une grosse rallonge.




Histoire de décompresser en douceur, on s'accorde la dernière demi-heure de Herbaliser, un set sympa, groovy à souhait, lui aussi passé tout seul. Et on pense terminer la journée avec le grand Otto Von Schirach, mais pour une fois, le chapiteau est blindé et les conditions ne sont pas propices pour voir un bon concert d'Otto, alors je préfère partir.






C'est déjà le dernier jour. Tout passe si vite à Dour ! Et la journée commence fort sur le papier avec Asva, ce supergroupe où l'on peut croiser Trey Spruance (ex-Faith no More, ex-Mr bungle) ainsi que des musiciens de Sunn O))) et Burning Witch. Le groupe officie dans un Doom/Drone des plus classiques. Autant l'album est franchement bien foutu, autant là ce n'était pas vraiment passionnant. Une sorte de Sunn O))) du pauvre, sans la puissance de feu de la bande à O'Malley et Anderson. Ce ne fut pas non plus un mauvais set, mais il y a eu quelques longueurs et on trainait parfois pas loin du cliché et la présence sur scène d'un Moog Taurus II au son sorti des entrailles de l'enfer n'y a rien changé...

On assiste alors aux 3 ou 4 derniers titres de Madrugada, qui n'avaient pas non plus l'air folichon. En final notamment, un massacre de I wanna be your dog des Stooges. Hymne rock sur lequel des tas de groupes se seront décidément cassé le nez...

Mais tout ça n'est pas bien grave car Heavy Trash, mené de main de maître par le fameux Jon Spencer, à qui l'on doit l'essentiel Blues Explosion, est là pour nous remonter le moral. Comme prévu, le show est placé sous le signe de l'amérique des années 50. Jon Spencer nous y fait son Elvis de base, et nous claque quelques compos rock 'n roll old school dont il a le secret. Un set très sympathique où l'on aura le plaisir d'admirer 3 danseuses sexy venues allumer un peu les braises encore fumantes laissées par Spencer.




En chemin vers le Club Circuit Marquee on entend quelques vannes de Didier Super sur la scène d'à côté qui reprend l'Internationale pour terminer sur un magnifique "merci les campeurs". Mais l'heure est à des choses plus sérieuses puisque les types de Why? sont sur le point de commencer, après une longue balance (le chanteur a l'air d'être un sacré maniaque, il va jusqu'à emmener ses propres embouts de micro apparemment). Toujours psychédéliques et envoutants, ils donneront toutefois un set toujours très pop et rempli de leurs tubes habituels, mais plusieurs crans en dessous de leur prestation au Grand Mix il y a quelques mois.

Passage rapide à Hollywood Porn Stars sur la grande scène. Toujours aussi peu d'idée, toujours un son aussi synthétique... je suis allé manger un croque monsieur pour passer le temps... Idée sympa toutefois, ils ont fait monter un bénévole sur scène et lui ont fait jouer un accord pendant plusieurs minutes. Le mec a quand même dû bien s'amuser.

Dernière grosse attente de la journée pour ma part. Earth, avec le leader Dylan Carlson et une nouvelle coupe de cheveux qui le rend un peu moins "redneck". Mais le son lui, n'a pas bougé, toujours hypnotique à mort et incroyablement lourd pour un son clair. Tout le monde autour de moi ferme les yeux. Steve Moore dégaine son fameux trombone à coulisses, et le groupe utilise aussi une buddha machine sur quelques titres. Set grandiose, le groupe est visiblement content d'être là et se renseignent pour savoir s'ils ont le temps pour une autre "We're gonna play a song from the album Pentastar..." et déjà l'oeil du fan de Earth brille, on a tous compris qu'il s'agissait de la brillante version "light" de Coda Maestoso in F(Flat) Minor qu'ils nous avaient claqué sur Hibernaculum, leur génial mini-album. Moore trippe sur son clavier, Carlson, au centre de la scène s'applique sur sa telecaster, et il faut bien dire qu'il a un jeu très personnel qui lui donne ce son si particulier. Fin du titre, Dylan jette un oeil en coulisse puis déclare "Ok, we have time for one more song". Le public est ravi, et là on se dit que le groupe est VRAIMENT content d'être là et que le "It's good to be back in Europe" n'était pas juste une simple formule de politesse. Le concert s'achève donc sur le morceau titre du magnifique dernier album : "Bees made honey in the lion's skull". Dernières salutations, on aperçoit dans la fosse presse, le batteur de Asva prendre des photos du groupe. C'est assez incroyable le respect qu'impose Dylan Carlson a des musiciens pourtant confirmés comme lui ou comme Stephen o'Malley l'admirant dans la fosse au grand mix avec un regard de gamin. Toujours créatif, la passion est toujours là, et on se dit que si Earth fait figure de pionnier de la musique drone et doom, ils sont loin d'avoir dit leur dernier mot.

On est maintenant dans la toute fin du festival, après avoir écouté un peu le rock froid de Fujiya & Miyagi on se décide à aller voir ce qu'ont les Raveonettes dans le ventre. J'en attendais pas forcément grand chose mais je dois avouer que c'est plutôt bien passé. Une sorte de Jesus & Mary Chain en bien plus joyeux certes, mais ça passait tout seul, et c'était sans doute aussi le bon moment de la journée pour les voir.




On file ensuite à l'autre bout du site pour aller voir le set des légendaires Tortoise. Deux batteurs, des musiciens qui changent d'instrument à chaque titre. Un concert très jazzy qui a bien eu du mal à décoller et auquel je n'ai pas vraiment réussi à accrocher. Seuls les 3 derniers morceaux, plus exigeants, m'ont un peu plus attirés.




Cette fois c'est vraiment la fin, en chemin on entend deux titres des BB Brunes, sorte de grosse blague du festival, avec un son à la Trust et une voix tout bonnement horrible. On entend aussi un bout de Sinik dont les paroles avaient l'air franchement risibles. Et puis dernier coup d'oeil sur la grande scène où Gogol Bordello a lancé un set mêlant punk et musique tzigane, dans un aspect visuel des plus dégueulasses et dans un bordel sonore insupportable.

Franchement on aurait aimé que les derniers sons entendu à Dour 2008 soient d'une autre nature...




BILAN

Les plus :
*Un effort d'organisation
*Les sets de BJM, Battles et Woven Hand
*Des choix de scène plus cohérents (pas comme l'année dernière ou plein de gros concerts avaient lieu sous des petits chapiteaux)


Les moins :
*Scène Hardcore très moyenne hormis life of agony (surtout après le gros niveau de l'édition 2007)
*Trop de DJ Set tuent le DJ Set
*Pour les 20ans on aurait pu espérer des groupes plus transcendants en tête d'affiche (certes il y avait le Wu-Tang mais l'année passée aussi)

Publié dans Chroniques de concerts

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